Une forme, une matière, une histoire :

La rencontre de l’opérationnel délaissé
et de la poésie,
pour donner vie à un éclat de lumière,
nommé d’un souvenir ou d’une figure de chimère.

Bio de l’artiste

Après une vie professionnelle d’architecte au service de projets publics et particuliers, Françoise Béchade s’oriente vers une activité plus personnelle et artistique, sous-jacente depuis bien longtemps.

La recherche d’objets anciens, insolites ou obsolètes est un attrait qui la mène à fréquenter les brocantes ; avec un regard sur le dessin et la noblesse de la matière, sans rechercher une valeur propre, mais celle qui raconte une histoire, un usage oublié ;

L’assemblage des formes cherche l’équilibre et l’harmonie, et le défi technique, mettant en œuvre divers savoirs faire, est au service de la créativité et de la poésie des objets.

La métamorphose est achevée quand, de ces étranges mariages, renaît dans une fonction décorative au travers de la lumière, la lampe qui offre l’imaginaire recomposé.

Son nom, évocation imagée d’une forme ou puisé à l’origine de la matière travaillée, affranchit la chimère de ses sources : A chacun ensuite de trouver son trait d’union entre souvenir, curiosité, ou projection singulière .

Vernissage

Catalogue n°5- 2019

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Catalogue n°4 - 2018

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Catalogue n°3 - 2017

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Vignettes prix

Mise à jour mai 2024

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catalogue N°6 -2020

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L’artiste – Françoise Béchade

L’inventrice

Le jour n’est pas levé. Le faisceau lumineux de la lampe torche virevolte d’un étal à l’autre. Derrière les entrelacs du labyrinthe, des sentinelles plantées comme des ombres semblent prier que la journée soit fructueuse. Nous sommes dans une de ces grandes villes qui, le temps d’une braderie, aiment à offrir le gisement Ali-Baba de leur ventre. Dans ce que la lueur du jour commence à dessiner, dans les géométrie fantomatiques qui surgissent ci ou là, il semblerait qu’il y ait de tout, à penser même qu’il y en aurait pour tous dans cet amoncellement de choses sans nom et qui n’ont souvent même plus d’âge. Dans ce brassage gargantuesque, la vraie chose échappera à qui n’est pas digne d’en être lʼinventeur.

La femme à la lampe le sait. Elle s’affaire car plus tard il sera trop tard. Et le faisceau de se poser, quelques secondes. D’examiner. D’interroger. Immobile. Et puis de repartir en multiples saltos. À la regarder ainsi s’empresser, on constatera néanmoins sa grande vigilance. Elle considère, elle jauge ce que d’autres n’ont plus ni raison ni intérêt à conserver et aimeraient donc s’en débarrasser au plus vite et au mieux. Tout le long du jour, fouineurs et baguenaudants viendront ici cultiver leur nostalgie. Repenser à ces lieux d’enfance où ils jouèrent parfois l’interdit. Ce grenier poussiéreux où tout devenait possible. Ah rejouer juste un peu, se diront-ils ! Mais pour la femme à la lampe, la tâche est plus sérieuse. Cette rêverie du passé n’est pas suffisante. Elle est en recherche d’acteurs et nous sommes en plein l’heure du casting. Elle ne peut se permettre aucune erreur d’appréciation. Il y a tellement de faux-semblants si l’on n’y prend garde, tellement d’à peu près, de sans âmes dont son théâtre ne se remettrait pas.Ça, la dame à la lampe en est persuadée. Elle a déjà repéré quelques bonnes frimousses, quelques dégaines ayant certainement déjà bien roulé leur bosse. Le casting est une sensation qui lui envahit le corps, la saisit comme un plaisir. L’instant de la révélation, de la rencontre. Il lui faut alors voir jusqu’aux coulisses de ce qu’elle peut voir. Entendre l’inaudible d’un grand intimidé qui se cache là, sous les autres. Faire taire l’arrogant. Le casting est sa vrai science. Le don qui l’habite. Et put s’ouvrir ainsi le grand rideau rouge de son théâtre.

Mais elle, qui est-elle ? Et qui seraient le mieux à même d’en parler que ces quelques chevronnés de la troupe, Essaouira, Nautilus, Charleston, Mademoiselle, La Cotonnière, Bain-douche, pour ne citer qu’eux. Laissons leur la parole :

“ Nous sommes tous issus de l’abandon, cette région désespérante et lointaine. Et c’est là qu’un jour elle nous trouva. Elle nous promit qu’elle nous redonnerait notre chance. Qu’il nous faudrait certainement attendre un peu, être patients, mais que le plus dur était fait. Elle ajouta qu’elle n’était pas prête encore et qu’elle ne voulait pas usurper un rôle dont elle n’avait pu suffisamment appréhender l’importance. On ne devient pas directrice de théâtre comme cela, nous répète-t-elle souvent. Cette femme est douce et secrète et pourtant le désir de nous redonner vie a insisté en elle, pas à pas, puis finalement l’a bousculée. Ça -y-est, c’est l’heure, lui a dit le désir. Et sitôt, elle s’y est mise. Cette femme est silencieuse et l’on sait que le théâtre ne l’est guère par essence. Chacun de nous se souvient de ce casting où rien de ce que nous pouvions être, pauvre hère ou malandrin, ne semblait lui échapper. Son regard inquisiteur, presque sévère, puis ce léger sourire présumant déjà de ce qu’elle nous ferait interpréter. En silence, bien sûr, car nous sommes objets du silence. Ah, ce casting ! Difficile moment dans la vie d’un acteur ! Surtout ne pas décevoir. Se permettre de mentir un peu sur ses origines. D’accord…Mais pas trop car elle eut vite fait de nous rabattre le caquet. Essayer un peu quand même d’enjoliver nos pratiques ou prestations passées. Certains parmi nous, surtout dans les engrenages, ont dit avoir vécu la navigation. Tu parles ! Ils n’ont jamais bougé des tréfileries. Arpètes à demeure ! D’autres se targuent d’avoir appris l’art du silence, le silence de l’objet auprès du grand Giorgio Morandi. La déontologie de notre troupe voudrait que nous ne nous dénoncions pas les uns les autres. Mais nous n’en pensons pas moins et qu’elles le veuillent ou non, ces pimbêches, bouteilles elles resteront bouteilles. Quant à celle qui pigeon ou pas se vante d’avoir éclairé Vincent à l’auberge Ravoux, nous préféreront en rire. La directrice n’est pas vraiment dupe mais se laisse aller à nous croire. Ça l’amuse et lui donne plus envie encore de nous détourner. Ah tu me soutiens que tu as été ça ! Eh bien, tiens, je vais tʼy mettre moi… Et maintenant, joue donc beau parleur. Et même si cela ne nous plait pas toujours, elle peut nous marier avec une telle ou un tel. Une fois tu peux être le maître, une fois le servant. Mais nous érotise toujours de beauté. Quelques uns parmi nous ayant bien perdu leur rouille se sont sentis un peu nus et pour cacher leur gêne se sont crus obligés d’en rajouter d’en l’excentrique. Parce qu’il faut bien le reconnaître, derrière l’acteur, le cabotin sommeille. Et le désir d’en remettre dans le geste, l’allure, le mouvement de hanche nous tente toujours un peu… Oui, avouons le. Nous sommes tous des excentriques et la force de cette femme est d’avoir su nous faire pénétrer paradoxalement son silence, jouer en son silence, écrire cette scénographie où nos origines se mêlent de tant de façons. Nous sommes ainsi fiers, nous, acteurs, d’interpréter l’excentricité de son silence.”

Françoise Béchade est l’inventrice d’un trésor. Elle le portait en elle, dans sa réserve et les objets sont venus en jouer la représentation, faire dire à son silence ce qu’il a tant à dire.

Écoutez ces acteurs. Ils sont parfois si drôles, hâbleurs, taquins, timides, aimants. mélancoliques, Ils sont ce peuple poétique né de l’humilité des choses abandonnées à qui les secrets d’une fée savent redonner une âme.

J. Desmier